samedi 24 avril 2010

Merci la vie!


En attendant de vous retrouver en mots, voici quelques images qui parlent d'elles-mêmes...

J - 1, bébé Louis Gabriel encore au chaud...


Jour 1, merveilleuse rencontre!

Jour 2, avec son papa

Jour 3, croisement des regards...

Jour 4, quel appétit!

Jour 5, enfin la grande sortie!

Jour 6, avec grand-maman Louise

Jour 7, émerveillé devant un mobile...


mardi 13 avril 2010

Semaine 40 : Douze heures

Le soleil vient de plonger derrière le grand érable de la cour, que les merles viennent tout juste de quitter pour aller dormir. La nuit est merveilleusement paisible.

Les envolées de notes du Clair de Lune de Debussy mouillent mes joues. À moins que ce ne soit tout le reste...

La grande caravelle qui arrive à quai.
Poser pied sur la terre nouvelle.

Dans douze heures, mon fils sera blotti contre mon cœur.
Tellement fou, tellement grandiose.

Sans mots.

lundi 5 avril 2010

Semaine 40 : Un printemps de toutes les éclosions

Il n’a suffi que de quelques jours scandaleusement gorgés de soleil pour dévêtir la ville du manteau sale de son hiver. Et nous voilà tout ébahis, rassurés de voir ce printemps hâtif se faufiler autour de nos ombres, de nos pas, de nos yeux plissés d’avoir trop longtemps hiberné entre les murs de briques.

Il y a cette lumière franche qui vient éclabousser les draps dès l’aube, le cri des oies en partance vers le Grand Nord et les chemises qui dansent sur les cordes à linge des voisines.

Il y a cette effervescence dans l’air, celle des moineaux ébouriffés qui vocalisent d’indéchiffrables chants d’amour et de couvée. Celle des écoliers qui font claquer leurs semelles neuves contres les cailloux que de dégel a laissé sur les trottoirs. Celle des vélos qui dévalent les rues trouées par le froid comme des chevaux tout justes déharnachés. Et celle des arbres, mi-squelettes, mi-bouquets, prêts à  faire éclater au moindre signal la verdeur de leurs jeunes feuilles.

Cet émouvant ballet bien rythmé d’une saison qui s’éteint pour laisser place à la suivante est à la fois improvisé et immuable.

En ce printemps de toutes les éclosions, moi aussi je m’apprête à faire le passage entre deux saisons. À laisser glisser ces neuf mois de l’entre deux, l’entre femme et mère. Ces neuf mois où l’on se sent peu à peu animée par un deuxième cœur, une deuxième voix, jusqu’à ce moment tellement émouvant où l’on discerne pleinement la présence de notre enfant. Cette saison de bouleversements, celui d’habiter un corps que l’on partage, que l’on prête, d’habiter un corps transformé dans sa chair, sa forme, sa destinée. Cette saison de plénitude. De se sentir tant, tellement remplie par cette boule de vie mouvante et fragile, mais aussi de cet amour qui chavire jusqu’aux larmes, quand on s’arrête simplement pour être là, à deux. Des moments de grâce, qui laissent une traînée de chaleur sur leur passage.

Et puis il y a cette nouvelle saison dans laquelle plonger. Celle qui déposera sur nos terres une famille. Et entre ces deux saisons un passage, grandiose et inconnu.

En attendant, me voilà ronde et lourde, plus éveillée que jamais à cet enfant qui sera de ce côté-ci de l’univers dans quelques jours. Quelques douzaines d’heures. Une pensée qui donne le vertige, qui avale tout pour ne laisser que l’essentiel.  Se rattraper du vacillement par cet essentiel : le regard tendre et confiant de mon bien-aimé. Et puis cet apaisement en déposant mes paumes sur ce ventre tendu comme une peau de tambour : je m’apprête à devenir mère. C’est ce qui doit être. Comme si la perspective n’avait plus beaucoup d’importance, que notre localisation sur le grand trajet de la vie à ce moment précis était sans conséquence, à cause de cette certitude. Celle de la suite des saisons. Être profondément amoureuse d’un homme. Le savoir tout aussi amoureux. Porter, donner naissance, voir grandir notre enfant. À la fois une évidence, et un petit miracle.

. . .

Alors que ces mots se bousculent au bout de mes doigts, tout autour il y a le cri des carouges dans les peupliers encore habillés des feuilles sèches de l’automne. Devant, il y a la Rivière des Prairies, délestée de ses glaces, léchée par la blancheur du soleil d’avril. Et il y a la tête de mon amoureux appuyée contre ma tempe, alors que nous somme là à attendre paisiblement notre fils, en cet après-midi de Pâques, à quelques souffles à peine du premier croisement de nos regards.



(photographe génial : Denis Bouchard - ici aussi)

mercredi 31 mars 2010

Semaine 39 : Côté cour, côté jardin

Je sais pas si on vous l’a dit, mais récemment, j’ai beaucoup grossi. Que voulez-vous, j’ai que ça à faire. Ma Maman, elle est devenu énorme. Il y a des bouts de ventre qui dépassent de tous ses vêtements, et son nombril, il menace d’exploser, on dirait une marmotte qui veut sortir de son terrier. Ma Maman, elle n’est plus capable d’enfiler son soulier gauche et puis le matin elle joue à la tortue-échouée-sur-le-dos : ça consiste à se démener dans les draps et les oreillers pendant quelques minutes, et puis finir par appeler Papa à la rescousse. Lui, il trouve ça très drôle le jeu de la tortue, il aime surtout imiter les petits grognements de Maman quand elle essaie de se relever, mais il finit toujours par l’aider quand même.

Ce qui a grossi le plus, c’est ma tête. Peut-être que je me suis trop pris pour une star ces derniers jours, et j’ai enflé de la casquette. Papa il dit que c’est parce que Maman me parle tout le temps, que j’ai un excès de synapses dans le cerveau, ou quelque chose du genre. Enfin bon le problème, c’est que la porte de sortie, en bas, elle est restée de la même grandeur.

Alors voilà. Maman elle doit prendre une grosse décision. Peut-être celle de laisser le médecin dessiner une porte spécialement pour moi, sur son ventre. Bien sûr, ça n’est pas l’idéal. Quand on est une star, on croit que l’on va quitter la scène côté cour ou côté jardin, mais là, on me propose de faire le grand saut… à travers le rideau ! C’est pas tout à fait ce qu’on avait prévu à la répétition.

Papa il dit que la seule chose dont on peut être sûr dans la vie, c’est que les choses ne se dérouleront pas exactement comme on l’avait imaginé. Qu’il ne faut pas s’essouffler à deviner le scénario, mais plutôt s’ouvrir à ce qui se présente. Alors côté cour, côté jardin ou à travers le grand rideau de velours, ça m’ira. Parce que je sais qu’au bout de la sortie il y a Maman, Papa et une histoire d’amour dans laquelle, peu importe le scénario, je serai une star à ma façon.

mercredi 24 mars 2010

Semaine 38 : Le Shower


Ma Maman, elle a des copines fabuleuses. Il y en a de tous les modèles, des grandes, des brunes, des flamboyantes, des plutôt calmes… Il y en a qui viennent nous dire coucou au détour d’une tasse de thé ou d’une promenade au parc, d’autres qui habitent trop loin, sur des îles réchauffées par le soleil, au bord des rizières ou à l’ombre des beffrois remplis de grosses cloches. Celles-là, Maman leur parle par les fils, parce que les pique-niques sous les arbres, c’est un peu compliqué : faut traverser d’immenses baignoires qui s’appellent l’Atlantique ou le Pacifique, et avec moi sur le point d’éclore, c’est pas le temps il paraît.

Il y a une de ces copines, Maman l’a connue dès qu’elle est sortie de sa propre coquille. Ensemble, elles ont fait des balades en poussette, discuté ferme des garçons tout en dévalant les pentes de ski et écouté jusqu’à l’usure les mêmes disques durant l’adolescence. Bref, Maman n’a jamais connu la vie sans sa copine Julie.

Maman, elle pense que copine Julie cache une combinaison rouge et bleue de Superwoman dans sa penderie (oui, oui, avec la cape et tout). Julie, elle a un travail très sérieux qui lui fait prendre des tas de trains, elle a aussi une colonie de petits baleineaux très énergiques et elle sourit tout le temps. Et malgré tout, elle trouve le temps d’organiser des fêtes pas possibles, même pour moi, je suis très impressionné.

Donc en ce dimanche de mes moins-vingt-jours-et-des-poussières, on s’est retrouvés, Maman, Papa, moi et plein de gens qu’on aime beaucoup, chez copine Julie pour mon shower. J’ai pas trop compris l’histoire de la douche, parce que pour moi, comme vous savez, ça baigne déjà. Et puis personne n’était mouillé, au contraire tout le monde était habillé tout propre et sentait bon, je pense qu’ils avaient triché et s’étaient lavés avant. Mais bon, tricherie ou pas, les invités sont arrivés avec pleins de paquets ficelés de rubans bleus et verts, des croissants et des confitures-maison, et puis des ballons en forme de bébé-garçon. Tout ça pour moi ! Je pense vous l’avoir déjà dit, mais je suis une star.

Alors on a passé l’après-midi à grignoter des fromages et des fraises, à boire des jus avec des bulles et des glaçons dedans, à parler de baleineaux et à dénouer les rubans pour découvrir mes formidables présents. Ils ont pensé à tout, même à des trucs dont je savais même pas que j’avais besoin, comme une poire nasale (mon Papa, il avait un drôle d’air quand on lui a expliqué son utilité, un peu comme la fois où il avait mangé du poisson pas frais). Maman elle appelle ça l’abondance, elle était franchement émue avec tout plein de gratitude dans son cœur, ça faisait comme une chaleur dans le haut de mon nid. Et puis les invités étaient drôlement gentils avec moi, ils sont venus me parler doucement, poser leurs mains sur mon énorme coquille et donner des bisous à ma Maman. Je vous jure, ça me donne presque envie de sortir.

Alors voilà, c’est comme ça que j’ai fini par comprendre le principe du shower. C’est même pas une question d’hygiène. C’est de l’amour et de l’amitié qui coulent à flots, par le pommeau imaginaire de la douche.