vendredi 5 mars 2010

Semaine 35 : Les joies cachées du troisième trimestre


Le deuxième trimestre de grossesse fut une période de grands changements pour la Baleine d’Amérique. La voilà maintenant à patauger dans le troisième et ultime trimestre avant la délivrance… avec tout ce que cela comporte de situations oscillant entre le plutôt sympathique et le franchement déroutant.

Les hormones
Elles continuent de sévir, particulièrement sur la sphère émotionnelle et la température corporelle. Côté émotions, nous frisons le carambolage routier, trop occupée à admirer le défilé de petits habits de neige au sortir de la garderie du coin. Et plus tard en soirée, l’Amoureux nous retrouve en larmes devant l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver à la télé, se demandant vraiment ce que l’on peut trouver d’émouvant au costume psychédélique de l’équipe finnoise ou à la micro-délégation du Kirghizistan.
Quant à l’effet «boule de feu», il est fort apprécié de la Baleine d’Amérique qui passe son premier hiver confortable en 39 ans, mais un peu moins de l’Amoureux qui n’en peut plus d’essayer de dormir avec un ventilateur lui balayant les épaules à puissance maximale alors qu’il fait moins quinze dehors.

L’élégance
Preuve est faite : il n’existe aucune manière gracieuse de mettre ses chaussettes passé la trente-quatrième semaine de grossesse. Il faut se résoudre à avoir l’air d’un lutteur sumo. Et à émettre les mêmes grognements d’une féminité incontestable lors de l’opération. En fait, toute manoeuvre à accomplir en zone subéquatoriale ressemble maintenant à un numéro de cirque. Et que dire des nombreux objets échappés sur le sol ? Deux solutions s’offrent à nous : la première est d’attendre le retour au bercail de l’Amoureux, et d’alors lui faire parcourir la maisonnée à quatre pattes pour ramasser tous les élastiques, fourchettes et autres crayons malencontreusement balancés par terre au cours de la journée. La deuxième solution consiste à maximiser le temps passé au ras du sol, afin de compenser la dépense énergétique générée par l’exercice. On échappe un bout d’échalote en cuisinant son omelette? Mieux vaut alors profiter de l’opération ramassage pour attraper au passage le savon à vaisselle, les napperons du dernier tiroir et les pantoufles qui traînent sous la table.

Les pauses-pipi
La vessie de la Baleine d’Amérique, au troisième trimestre de sa grossesse, semble se ratatiner jusqu’à la dimension d’un pruneau. Dès lors, il faut choisir ses destinations et ses horaires. Adieu le bouquinage prolongé à la librairie du coin, le pont vers la banlieue à l’heure de pointe… Heureusement, il se développe un sixième sens qui nous fait repérer les affichettes de la dame-vêtue-d’une-robe-triangulaire dans les lieux publics plus rapidement que ne l’aurait fait James Bond.

Le hoquet
Il s’agit ici non pas du nôtre, mais de celui de notre baleineau. Les premières fois, on se demande si on n’a pas avalé par mégarde un crapaud ou un métronome, et on rigole beaucoup. Sauf à trois heures du matin, lorsque le principal intéressé, passablement frustré par ses propres soubresauts, boxe à qui mieux mieux son cocon. Les livres sur la grossesse savent se faire rassurants : les hoquets fréquents annoncent des poumons bien développés. Tout indique donc que fiston deviendra chanteur d’opéra ou champion de plongée en apnée.

L’expansion abdominale
C’est là le principal défi de la Baleine d’Amérique à son troisième trimestre de gestation, surtout que son baleineau est toujours placé en siège. Passé en quelques mois du format crevette à celui de gros-chat-de-salon-obèse, fiston sévit par les deux bouts. Côté Sud, c’est le festival des coups de pieds de type « c’est le buuuuuuuuut ! » dans la vessie ou le rectum – autant de sensations nouvelles qu’il n’est pas du tout essentiel de vivre au moins une fois dans sa vie. Côté Nord, il y a cette impression tenace d’avoir un pamplemousse en béton coincé sous les côtes, impression qui ne s’améliore en rien au moment des repas alors que l’estomac bien lesté enfonce cette masse dure dans le foie. Suivant les conseils de sa propre maman (à qui elle avait fait le coup elle aussi… juste revanche ?), la Baleine se promène dans la maison les deux mains sur la tête, en priant pour que la culbute à 180 degrés vers la sortie se fasse au plus vite.

Mais au final, la plus grande joie cachée du troisième trimestre en est une qui ne sera plus cachée pour très longtemps… Elle a pour prénom Louis Gabriel. Trois douzaines de jours à peine avant le jour J !

1 commentaire:

  1. Chère Ba d'Am et O. tout au temps,
    Moments de môman indubitablement inoubliables. Tout ce qui se grave en soi en humour tient en mémoire plus longtemps, ne lit-on pas dans les livres savants. Mais on devrait. T'auras des photos corporelles et mentales à en couvrir tous les scrap books de la ville, ma belle Oiselle sumo! Courage, citoyenne! Le siège de votre corps achève. Ce Louis l'Archange sera tout un personnage. Ne serait-ce que parce qu'il aura été célèbre avant même sa naissance!
    Salutations à l'Amoureux et colles d'Oursss pour l'O. hormonée et drôle.
    Un écrivain

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