Santa
Lucia de Cuba, 19 juillet 2009. Jour 1...
C’est
un décor où le soleil avale tout de sa lumière et de sa chaleur. Une langue de
sable déposée sur la mer des Caraïbes, tout juste rattachée à la terre cubaine
par une route brûlante traversée par les crabes. Une terre salée, gercée, à
peine adoucie par la silhouette des palmiers au-dessus desquels tournoient les
urubus. Et dans ce décor aride, on a déposé une oasis, parfaite pour les
oiseaux migrateurs ayant besoin de se poser, de se reposer.
Jour
six d’une lune de miel…
Un
jour de lectures partagées à l’ombre des parasols, de rires complices emportés
par un vent de mer fou, d’empreintes laissées sur la grève à marée basse. Un
jour presque invisible, translucide de ce bien-être qui ne fait pas de vagues…
La
veille, j’ai traîné mon amoureux sur des sentiers familiers. Ceux de la bohème,
des cartes géographiques dépliées sur les genoux et des rubans d’asphalte qui
défilent. J’ai eu beau quitter mes souliers de globe-trotteuse il y a quelques
années déjà, retrouver l’ivresse des voyages, ceux qui bousculent et goûtent
vrai, me donne toujours des ailes.
Nous
avons traversé le désert qui reliait Santa Lucia à la grande ville. Fenêtres de
la voiture grandes ouvertes, cheveux emmêlés de poussière, cris de joie alors
que des marécages saumâtres montent les envols rosés des flamants. Lazaro notre
chauffeur zigzague entre les tacots rafistolés et crachotants, les charrettes
tirées par des chevaux maigres, les troupeaux de chèvres en cavale. Nous
freinons devant les étals de fruits, repartons les sacs lestés de mangues, de
goyaves, de nèfles, les doigts barbouillés de pulpes succulentes. Diego et moi
fermons les yeux, noyés dans le souvenir de ces parfums sucrés. Je me retrouve
instantanément catapultée au Vietnam, au Laos. Diego, en Colombie. Bonheur…
Toute
la journée, nous marcherons les rues colorées de Camagüey, avec Lazaro qui
rigole de me voir si enthousiaste. Maisons fanées aux fenêtres ouvertes d’où
montent les chants des cages d’oiseaux et des vieilles radio, les exclamations
outrées des grands-pères qui perdent aux dominos. Églises fraîches aux bancs de
bois patinés où reprendre son souffle alors que le soleil frappe à angle droit.
Ruelles étroites dans lesquelles des mécaniciens de fortune réparent leurs Chevrolets
1951 avec de la corde. Jardins intérieurs où l’on découvre ici une exposition
de peinture naïve, là un piano désaccordé dont Diego fera vivre les vieilles
touches d’ivoire…
Au
retour, Lazaro nous présente à l’un de ses amis. Il est potier, son fils aîné
aussi. Son cadet, sa belle-fille et sa mère peignent. Les tableaux de son fils
nous coupent le souffle. Toute la famille est là à travailler la terre, la
toile et l’huile, dans leur jardin, sous les manguiers. Ils manquent de tout,
de pinceaux, de pigments, de vernis, de papier, et pourtant ils ont tout, ils
sont heureux. Comme quoi l’abondance est davantage dans le cœur qu’entre les
doigts…
…
Jour
six d’une lune de miel… Un jour presque diaphane, à repasser le film de cette
randonnée à Camagüey dans notre tête, déposés dans la lenteur, la moiteur d’un
bout d’île léché par la mer.
Mais
sans le savoir, ce jour est différent.
C’est
celui-là qui a vu le petit miracle se produire.
Celui-là
où, entre Bogotá et Montréal, entre la Colombie et le Québec, le grand Oiseau
du Sud et la belle Oiselle du Nord ont donné vie à l’oisillon du Centre…
Un
dimanche d’été au milieu des Caraïbes.
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