Semaine 21 : Le yoga de baleines

Tous les jeudis, Maman m’emmène faire un tour de manège. Elle me demande pas mon avis, mais j’ai intérêt à être prêt, parce que ça fait beaucoup de vagues !

Elle rejoint son groupe de baleines (c’est comme ça qu’elles s’appellent entre elles les copines de yoga de Maman), dans une grande pièce qui a une drôle d’odeur – c’est à cause d’une fumée qui s’appelle encens, et qui sent bien meilleur que quand Papa fait brûler son gruau le matin. Avant de commencer leur yoga, Maman et ses copines s’assoient sur des tapis de toutes les couleurs et discutent de trucs qui m’intéressent moyennement comme « qui a fini la chambre du bébé » et «est-ce que ton nombril est sorti». C’est un peu frustrant pour nous, parfois on est huit, onze, quatorze baleineaux, tous dans leur aquarium et on peut rien se dire. Enfin, l’important c’est d’y être pour encourager nos mamans et profiter un peu de l’action.

Ensuite, il y a une dame très gentille et drôlement mince – son petit garçon est sorti de l’aquarium depuis déjà un moment – qui leur dit quoi faire. Elle leur demande de s’entortiller dans toutes sortes de positions bizarres et en plus elle leur dit de respirer tranquillement ! Parfois Maman et ses copines ont le sourire un peu forcé, comme quand Papa ne trouve pas le bon bouton sur la caméra et que tout le monde a mal aux joues. Mais elles finissent par y arriver, quelques fois en soufflant comme des vraies baleines.

Il y a des moments où c’est très doux. La dame toute mince demande aux mamans de s’asseoir sur des coussins et elle nous chante des berceuses avec des paroles que personne comprend, il faudrait être indien il paraît. Mais on ne perd rien pour attendre : cinq minutes plus tard, c’est parti mon kiki ! La dame nous propose de faire toutes sortes de figures épatantes qui s’appellent le poisson, le chat, le guerrier, le chien, l’arbre, alouette ! C’est bien joli tous ces noms, sauf qu’en moins de deux, Maman a la tête en bas et moi j’ai les genoux qui dérapent vers le nord. J’ai même pas le temps de m’excuser que la dame mince a déjà changé d’idée et hop ! C’est la glissade direction sud-ouest, et je déforme un peu le ventre de Maman avec ma tête. Ça dure au moins une heure, je vous dis, mieux vaut planifier sa sieste à un autre moment.

Ce qui est le plus étonnant c’est qu’après toutes ces acrobaties, Maman et les autres baleines, elles sont toutes calmes et moelleuses. Si vous connaissez ma Maman, vous savez qu’elle est plutôt du type Speedy Gonzales, arrriba, arrrrrrrrrrriba, andale, andale !, alors comme dit Papa, c’est fort bienvenu. Et nous les baleineaux, on en profite pour piquer un roupillon. Parce que même si on aime bien les vagues, il n’y a rien de plus agréable que de savourer le calme après la tempête, blottis dans le ventre d’une maman bien ramollie.

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