Il y a quelques
semaines, Maman se plaignait de mon manque de communication avec l’extérieur du
nid. Elle avait beau savoir qu’il n’est pas toujours évident pour une
apprentie-maman de distinguer cabrioles de bébé et gargouillis de sa propre
tuyauterie, elle n’en pouvait plus d’attendre le moment du premier vrai coup de
talon dans les côtes !
Lors de
l’échographie, le médecin lui avait expliqué que mon placenta (vous savez,
cette grosse galette qui me sert de frigo) était antérieur. En d’autres mots,
il y a un pratique coussinet absorbe-chocs entre son ventre et mes prouesses
sportives. Le médecin a bien ri devant la mine déçue de Maman, lui disant
qu’elle changerait probablement d’avis lors des derniers kilomètres avant mon
fil d’arrivée…
C’est tout récemment
que Maman a commencé à comprendre les paroles de son médecin, alors que j’ai pris
un coup de vieux. Je suis devenu drôlement vigoureux, et tapis absorbe-chocs ou
pas, Maman n’a plus aucun doute sur ma vitalité. Papa et elle s’amusent à
guetter la plaine de son ventre rebondi, à l’affût du moindre soubresaut de ma
part, un peu comme des pêcheurs retenant leur souffle devant un lac au miroir
calme. Et tout à coup, bing !,
ploc !, me voilà qui fait des ondes, des vagues, des tsunamis…
Adieu, lac au miroir calme !
Le problème dans
tout ça, c’est que Maman et moi on n’a pas tout à fait le même horaire. Je fais
des siestes le jour, apaisé par le cliquetis de ses doigts sur le clavier,
bercé par ses pas entre la maison et le bureau, enivré par l’arôme du dîner qui
mijote… C’est le soir que je m’active, quand elle s’étend enfin, et que j’ai
tout plein d’espace pour faire mes exercices de futur athlète aux Jeux
Olympiques de 2028. Au début, Maman était un peu décontenancée, parce que mes
jeux de jambes et de coudes bien placés ne faisaient pas vraiment partie de son
rituel de détente avant le dodo. Mais nous avons trouvé un terrain d’entente.
Quand les lumières
sont éteintes et que la respiration de Papa est devenue celle de
l’homme-qui-dort-paisiblement, Maman pose ses mains chaudes contre ma piscine,
et elle m’attend. À ce signe, tout heureux d’avoir un auditoire, je m’en donne
à cœur joie ! Faut dire que Maman est bon public. Mais après une heure, je
termine ma séance d’aquaforme pour laisser Maman dormir. C’est donnant-donnant.
Voilà notre petit
secret de colocataires. Ma seule déception, c’est que les installations
olympiques de Maman ne sont pas réglementaires. Y-a-t-il des commanditaires
dans la salle ?
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