samedi 12 décembre 2009

Semaine 23 : Aquaforme in-utero


Il y a quelques semaines, Maman se plaignait de mon manque de communication avec l’extérieur du nid. Elle avait beau savoir qu’il n’est pas toujours évident pour une apprentie-maman de distinguer cabrioles de bébé et gargouillis de sa propre tuyauterie, elle n’en pouvait plus d’attendre le moment du premier vrai coup de talon dans les côtes !

Lors de l’échographie, le médecin lui avait expliqué que mon placenta (vous savez, cette grosse galette qui me sert de frigo) était antérieur. En d’autres mots, il y a un pratique coussinet absorbe-chocs entre son ventre et mes prouesses sportives. Le médecin a bien ri devant la mine déçue de Maman, lui disant qu’elle changerait probablement d’avis lors des derniers kilomètres avant mon fil d’arrivée…

C’est tout récemment que Maman a commencé à comprendre les paroles de son médecin, alors que j’ai pris un coup de vieux. Je suis devenu drôlement vigoureux, et tapis absorbe-chocs ou pas, Maman n’a plus aucun doute sur ma vitalité. Papa et elle s’amusent à guetter la plaine de son ventre rebondi, à l’affût du moindre soubresaut de ma part, un peu comme des pêcheurs retenant leur souffle devant un lac au miroir calme. Et tout à coup, bing !,  ploc !, me voilà qui fait des ondes, des vagues, des tsunamis… Adieu, lac au miroir calme !

Le problème dans tout ça, c’est que Maman et moi on n’a pas tout à fait le même horaire. Je fais des siestes le jour, apaisé par le cliquetis de ses doigts sur le clavier, bercé par ses pas entre la maison et le bureau, enivré par l’arôme du dîner qui mijote… C’est le soir que je m’active, quand elle s’étend enfin, et que j’ai tout plein d’espace pour faire mes exercices de futur athlète aux Jeux Olympiques de 2028. Au début, Maman était un peu décontenancée, parce que mes jeux de jambes et de coudes bien placés ne faisaient pas vraiment partie de son rituel de détente avant le dodo. Mais nous avons trouvé un terrain d’entente.

Quand les lumières sont éteintes et que la respiration de Papa est devenue celle de l’homme-qui-dort-paisiblement, Maman pose ses mains chaudes contre ma piscine, et elle m’attend. À ce signe, tout heureux d’avoir un auditoire, je m’en donne à cœur joie ! Faut dire que Maman est bon public. Mais après une heure, je termine ma séance d’aquaforme pour laisser Maman dormir. C’est donnant-donnant.

Voilà notre petit secret de colocataires. Ma seule déception, c’est que les installations olympiques de Maman ne sont pas réglementaires. Y-a-t-il des commanditaires dans la salle ?

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