Depuis
quelques jours, Maman a un drôle de comportement. Quand je lui envoie mes
célèbres coups de talon dans le bas du ventre, elle s’exclame «aïe aïe, il ne s’est pas
encore retourné ce petit coquin !». Se tourner et se retourner, je l’ai fait
avec enthousiasme durant les derniers mois, mais maintenant que les murs se
sont resserrés, je préfère rester confortablement assis, la tête vers les
nuages.
Maman,
elle est plus ou moins d’accord. Elle me dit que pour le grand plongeon, mieux
vaut y aller le coco en premier. Que voulez-vous, avec un Papa né à cheval sur la ligne de l’équateur, je n’ai pas encore tout à fait décidé de quel côté j’ai envie de
donner de la tête ! Mais j’admets que pour la première impression, ce
serait plus classe de présenter ma petite tête d’oisillon avant mon popotin.
Personnellement, je pense que j’ai encore tout mon temps pour y voir mais vous
connaissez ma Maman, Arrrrrrrrrrriba ! Andale! Andale !, faudrait que
comme elle ma valise soit déjà bouclée à côté de la porte d’entrée soixante
jours à l’avance… ouf.
Maman
a donc entrepris de me faire passer son point de vue, par tous les moyens. Papa
a commencé à planter des aiguilles d’acupuncture dans les orteils de Maman et à
chauffer le tout avec une sorte de gros cigare qui empeste dans toute la
maison. C’est vrai que ça me donne comme une envie de danser, mais pour la
pirouette, je maintiens le statut quo. Alors Maman, elle se met dans la
position de l’indien-qui-se-collle-l’oreille-sur-le-sol-pour-voir-si-la-cavalerie-arrive,
et lit son Harry
Potter dans cette posture plus ou moins ergonomique. On reste comme ça tous
les deux de longues minutes, jusqu’à ce que Papa vienne se moquer de Maman en
lui demandant si elle entend le métro passer, ou en faisant des blagues douteuses
que je comprends pas trop. Alors Maman elle s’énerve un peu, son visage devient
très rouge et elle souffle comme un orignal en rut (ça, c’est de mon
Papa) ; vous savez, c’est pas facile de s’énerver la tête en bas avec un
bébé de deux kilos écrasé sur l’estomac. On pourrait croire que ses protestations
calmeraient mon Papa, mais comme vous savez c’est un champion des blagues
douteuses, il lui en faut plus que ça pour l’arrêter.
Finalement
je crois que je vais bientôt entamer ma grande rotation vers le Sud. C’est pas
qu’on s’amuse pas ici, mais elle me fait un peu pitié ma Maman avec ses orteils
criblés d’aiguilles, ses contorsions olympiques et son bouquin d’Harry Potter aux pages
toutes froissées. Et puis au fond, le monde à l’envers, c’est vous les nordiques
qui le dites. Les kangourous, les koalas, les manchots empereurs et les gauchos
de la Pampa, ils vous trouvent sûrement bien rigolos avec vos pieds vers le haut.
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