Semaine 19 : La fenêtre

Au début je comprenais pas trop, Maman, Papa et grand-maman Louise m’ont emmené dans une salle avec plein de femmes enceintes et on a beaucoup attendu. Comme ils étaient surexcités, j’ai cru qu’on allait voir un spectacle, quelque chose de génial avec plein d’effets spéciaux ! Surtout quand ils nous ont fait entrer dans une salle toute sombre avec des écrans télés, des machines avec des boutons et des lumières qui font bip bip.

C’est là que j’ai compris que le spectacle, c’était le mien, et que la machine que tenait la dame avec une blouse blanche, c’était comme une sorte de fenêtre pour que je puisse dire coucou à tout le monde ! J’ai eu un peu le trac, alors je me suis mis à gigoter. Finalement tout a très bien été, j’avais juste à être moi-même, ils étaient déjà complètement gaga en regardant ma petite tête, mes petits bras parfaits, mon petit coeur qui papillonne très vite, comme un coeur d’oiseau. J’y ai vraiment mis du mien et ils étaient ravis, sauf la dame à la blouse blanche qui disait que je lui donnais du fil à retorde avec mes pirouettes, elle devait promener sa machine gluante partout sur le ventre de Maman pour arriver à voir quelque chose. J’ai même mis ma main sur ma bouche, et là franchement j’ai eu droit à une ovation. Dites, qu’est-ce que ça sera l’été prochain quand je vais leur faire des sourires ! Je suis déjà une star.

Quand la dame en blanc a dit que j’étais un petit garçon, il y a eu un silence tout doux, comme dans les films que Maman écoute et devant lesquels elle pleure (Papa trouve ça très rigolo, il paraît que ça s’appelle des films de fille). Maman, elle le savait déjà, même si elle faisait bien attention en parlant de moi comme une vraie politicienne, elle disait lapinot/lapinette, coco/cocotte et tout, mais au fond, elle savait que c’était la voix d’un petit garçon qu’elle entendait dans son coeur. Papa appelle ça l’intuition de mère, mais il avait la même. Et puis grand-maman Louise, elle a déjà tout plein d’expérience à jouer avec les camions et les trains avec mon cousin Noah, alors ça va être la fête. Elle serrait la main de Maman très fort en me regardant à la télé.

La dame en blanc à qui j’ai causé beaucoup de soucis avec mes galipettes, elle a quand même été gentille, elle a donné des photos de moi à mes parents, une de mes petits pieds, et puis une de ma tête. Maman elle trouve que mon profil ressemble beaucoup à celui de Papa quand il était petit! Papa, ça le rend tout fier. Moi je vous laisse décider.

J’étais un peu triste quand la dame en blanc a décidé que le spectacle était terminé, mais aussi tout heureux quand elle a affirmé que Maman et moi on était franchement en parfaite santé. Papa est allé travailler et grand-maman Louise est rentrée dans sa maison qui est très loin, et où il paraît qu’il y a toutes sortes de choses formidables comme un bateau, un jardin avec des carottes et un chat qui fait éternuer Maman. On a vite appelé grand-papa Michel, et puis aussi les parents de Papa qui sont très très très loin en Colombie (là aussi il paraît qu’il y a des choses fantastiques comme un âne qui s’appelle Hermès et des vraies mangues, pas des trucs mous comme il y a à l’épicerie ici qu’il dit Papa). Dans le téléphone, mes grands-parents ils étaient fou de joie et Papa a commencé à parler très vite en espagnol, Maman elle comprend pas tout encore, mais ça va venir.

Maman, elle est restée à la maison, elle me donnait des tas de câlins et elle riait toute seule. Elle est drôle ma Maman des fois. Ça me manque un peu le coup de la fenêtre, mais j’ai trouvé un autre truc. Je fais toc toc sur le ventre de Maman et elle me répond. C’est pas de la haute technologie, mais ça fera jusqu’en avril.