Le
deuxième trimestre de grossesse fut une période de grands changements pour la
Baleine d’Amérique. La voilà maintenant à patauger dans le troisième et ultime
trimestre avant la délivrance… avec tout ce que cela comporte de situations
oscillant entre le plutôt sympathique et le franchement déroutant.
Les
hormones
Elles
continuent de sévir, particulièrement sur la sphère émotionnelle et la
température corporelle. Côté émotions, nous frisons le carambolage routier, trop occupée à admirer le défilé de petits habits de neige au sortir de la garderie
du coin. Et plus tard en soirée, l’Amoureux nous retrouve en larmes devant
l’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver à la télé, se demandant vraiment ce que
l’on peut trouver d’émouvant au costume psychédélique de l’équipe finnoise ou à
la micro-délégation du Kirghizistan.
Quant
à l’effet «boule de feu», il est fort apprécié de la Baleine
d’Amérique qui passe son premier hiver confortable en 39 ans, mais un peu moins
de l’Amoureux qui n’en peut plus d’essayer de dormir avec un ventilateur lui
balayant les épaules à puissance maximale alors qu’il fait moins quinze dehors.
L’élégance
Preuve
est faite : il n’existe aucune manière gracieuse de mettre ses chaussettes
passé la trente-quatrième semaine de grossesse. Il faut se résoudre à avoir
l’air d’un lutteur sumo. Et à émettre les mêmes grognements d’une féminité
incontestable lors de l’opération. En fait, toute manoeuvre à accomplir en zone
subéquatoriale ressemble maintenant à un numéro de cirque. Et que dire des
nombreux objets échappés sur le sol ? Deux solutions s’offrent à
nous : la première est d’attendre le retour au bercail de l’Amoureux, et
d’alors lui faire parcourir la maisonnée à quatre pattes pour ramasser tous les
élastiques, fourchettes et autres crayons malencontreusement balancés par terre
au cours de la journée. La deuxième solution consiste à maximiser le temps
passé au ras du sol, afin de compenser la dépense énergétique générée par
l’exercice. On échappe un bout d’échalote en cuisinant son omelette? Mieux vaut alors profiter de l’opération ramassage pour attraper au passage le savon à
vaisselle, les napperons du dernier tiroir et les pantoufles qui traînent sous
la table.
Les
pauses-pipi
La
vessie de la Baleine d’Amérique, au troisième trimestre de sa grossesse, semble
se ratatiner jusqu’à la dimension d’un pruneau. Dès lors, il faut choisir ses
destinations et ses horaires. Adieu le bouquinage prolongé à la librairie du
coin, le pont vers la banlieue à l’heure de pointe… Heureusement, il se
développe un sixième sens qui nous fait repérer les affichettes de la
dame-vêtue-d’une-robe-triangulaire dans les lieux publics plus rapidement que
ne l’aurait fait James Bond.
Le
hoquet
Il
s’agit ici non pas du nôtre, mais de celui de notre baleineau. Les premières
fois, on se demande si on n’a pas avalé par mégarde un crapaud ou un métronome,
et on rigole beaucoup. Sauf à trois heures du matin, lorsque le principal
intéressé, passablement frustré par ses propres soubresauts, boxe à qui mieux
mieux son cocon. Les livres sur la grossesse savent se faire rassurants : les
hoquets fréquents annoncent des poumons bien développés. Tout indique donc que
fiston deviendra chanteur d’opéra ou champion de plongée en apnée.
L’expansion
abdominale
C’est
là le principal défi de la Baleine d’Amérique à son troisième trimestre de
gestation, surtout que son baleineau est toujours placé en siège. Passé en
quelques mois du format crevette à celui de gros-chat-de-salon-obèse, fiston
sévit par les deux bouts. Côté Sud, c’est le festival des coups de pieds de
type « c’est le buuuuuuuuut ! » dans la vessie ou le rectum –
autant de sensations nouvelles qu’il n’est pas du tout essentiel de vivre au
moins une fois dans sa vie. Côté Nord, il y a cette impression tenace d’avoir
un pamplemousse en béton coincé sous les côtes, impression qui ne s’améliore en
rien au moment des repas alors que l’estomac bien lesté enfonce cette masse
dure dans le foie. Suivant les conseils de sa propre maman (à qui elle avait
fait le coup elle aussi… juste revanche ?), la Baleine se promène dans la
maison les deux mains sur la tête, en priant pour que la culbute à 180 degrés
vers la sortie se fasse au plus vite.
Mais
au final, la plus grande joie cachée du troisième trimestre en est une qui ne
sera plus cachée pour très longtemps… Elle
a pour prénom Louis Gabriel. Trois douzaines de jours à peine avant le jour J !
Chère Ba d'Am et O. tout au temps,
RépondreSupprimerMoments de môman indubitablement inoubliables. Tout ce qui se grave en soi en humour tient en mémoire plus longtemps, ne lit-on pas dans les livres savants. Mais on devrait. T'auras des photos corporelles et mentales à en couvrir tous les scrap books de la ville, ma belle Oiselle sumo! Courage, citoyenne! Le siège de votre corps achève. Ce Louis l'Archange sera tout un personnage. Ne serait-ce que parce qu'il aura été célèbre avant même sa naissance!
Salutations à l'Amoureux et colles d'Oursss pour l'O. hormonée et drôle.
Un écrivain